Vertus Des Pierres et minéraux

L’or noir : une aventure géologique de plusieurs millions d’années

Il y a des millions d’années, les océans recouvraient bien des régions actuellement émergées, y pullulait tout un monde mystérieux. Mais où sont passés les restes des minuscules animaux et végétaux qui ont peuplé ces mers ? Les 99,9 % ont été décomposés et recyclés par d’autres organismes vivants. L’infime restant, soit 0,1 %, fut piégé dans les roches sédimentaires et participa à l’histoire minérale de la Terre. Une histoire parfois mouvementée conduisant dans des conditions favorables, à des gisements pétrolifères. Une histoire de patience, car le processus de sédimentation prend dans certains cas des dizaines voire des centaines de millions d’années.

Genèse du pétrole : 3 étapes, ni plus ni moins.

Le pétrole est un produit de l’histoire géologique d’une région, sa genèse du pétrole se décompose en 3 étapes. 

  • L’accumulation de matière organique, végétale essentiellement qui aboutisse a la formation de la roche mère : strate qui mêle des restes de micro-organismes et de végétaux.
  • Sa maturation en hydrocarbures : la boue sédimentaire est enfouie jusqu’à trois kilomètres de profondeur où elle se transforme après plusieurs étapes en pétrole, eau et gaz.
  • Son emprisonnement : Sous la pression des gaz, le pétrole est expulsé de la roche mère (migration), jusqu’à ce qu’il rencontre une roche réservoir, puis une roche couverture imperméable, où il sera piégé et préservé.

 C’est cette succession d’étapes ordonnées qui produit un « système pétrolier », chacune étant indispensable pour obtenir un gisement exploitable.

Première étape: un  processus de sédimentation long.

Sur notre planète, il y a, en permanence, des organismes qui meurent. Ces organismes sont composés pour l’essentiel de carbone, d’hydrogène, d’azote et d’oxygène. La vie a notamment pour caractéristique de maintenir ces éléments sous forme de molécules complexes, et à la mort ces délicats assemblages sont décomposés. En règle générale, la biosphère recycle la quasi-totalité des sous-produits et débris. Cependant, une petite minorité de la matière morte (moins de 1% de la biomasse qui meurt)  sédimente, c’est-à-dire qu’elle s’accumule par gravité et est enfouie au sein de la matière minérale, et dès lors coupée de la biosphère. Ce phénomène concerne des environnements particuliers, tels que les endroits confinés (milieux paraliques : lagunes, deltas…), surtout en milieu tropical et lors de périodes de réchauffement climatique intense (comme le silurien, le jurassique et le crétacé), où le volume de débris organiques excède la capacité de « recyclage » de l’écosystème local. C’est durant ces périodes que ces sédiments riches en matières organiques (surtout des lipides) s’accumulent.

Le processus de sédimentation est un processus permanent au fond des océans et des lacs, qui produit certes peu d’effets à l’échelle d’une vie humaine, mais est d’une importance capitale à l’échelle des temps dits « géologiques » (quelques millions d’années à quelques milliards d’années).

Qu’arrive-t-il à cette matière organique piégée dans le sédiment?

L’eau au-dessus du sédiment peut contenir une certaine quantité d’oxygène libre (O2); c’est selon la circulation au fond du bassin. Par contre, dans le sédiment, le peu d’oxygène libre qu’il peut y avoir est rapidement consommé par l’oxydation d’une partie de la matière organique, ce qui fait que les conditions dans le sédiment deviennent rapidement des conditions anoxiques, c’est-à-dire sans O2; on dit qu’il s’agit d’un milieu anaérobie. La matière organique, composée de carbone, hydrogène, oxygène et azote (CHON) est, dans ce milieu, protégé de l’oxydation, mais non de l’action des bactéries anaérobies. Ces bactéries sont celles qui n’ont pas besoin d’oxygène libre, mais qui viennent chercher, dans les molécules organiques, l’oxygène et l’azote dont elles ont besoin pour leur métabolisme; en simplifiant, elles soustraient donc des CHON, les O et les N, laissant les carbones (C) et les hydrogènes (H): c’est la dégradation biochimique de la matière organique.

Les carbones et les hydrogènes s’unissent alors pour former de nouvelles molécules composées principalement de ces deux éléments et qu’on appelle des hydrocarbures (HC). Une des premières molécules à se former est le CH4, le méthane (gaz naturel). Ce méthane se forme dans les couches supérieures du sédiment; on dit qu’il s’agit d’un gaz biogénique, parce qu’il est le produit de la dégradation biochimique. A mesure de l’empilement des sédiments sur le plancher océanique (ce qui se mesure en milliers de mètres), les molécules d’HC sont amenées à des températures et pressions de plus en plus élevées; c’est l’enfouissement. A partir d’ici, les molécules d’hydrocarbures vont devenir de plus en plus complexes. La dégradation passera de biochimique (régie par les bactéries) à thermique (régie par l’augmentation de température).

Le schéma qui suit résume ce qui se passe à mesure de l’enfouissement et comment se forme l’huile . Dans le premier 1000 mètres, ce sont toujours les bactéries qui agissent. Le processus dominant dans cette zone est la dégradation biochimique qui transforme les matières organiques en un hydrocarbure qu’on appelle kérogène. Sous les 1000 mètres, la dégradation biochimique est remplacée par une transformation contrôlée par l’augmentation de la température; c’est la dégradation thermique. L’enfouissement conduit, d’une part à une transformation progressive du sédiment en roche et, d’autre part, à cette dégradation thermique des kérogènes. A 2000 mètres par exemple, une partie des kérogènes se transforme en huile, un peu plus de 10% ici, une plus petite partie en gaz, et la plus grande partie poursuit sa transformation. Entre 2000 et 3000 mètres, c’est là que le kérogène produit le plus d’huile. Sous les 3000 mètres, la production d’huile devient insignifiante. Par contre, à partir de 2500 mètres, la production de gaz s’accélère et devient importante. Il s’agit d’un gaz qu’on qualifie de thermogénique, puisqu’il est le produit de la dégradation thermique des kérogènes. A 3500 mètres, on ne produit plus d’huile, mais beaucoup de gaz. La dégradation thermique conduit progressivement à des phénomènes de carbonatisation qui transforment les kérogènes non transformés en huile ou en gaz en résidus de carbone.

Ces valeurs de profondeurs ne sont pas absolues; elles sont indicatives, car le gradient géothermique peut varier d’une région à l’autre. En effet, ce qui importe, c’est la température à laquelle ont été portés les kérogènes. On sait que le gradient géothermique, défini par le flux de chaleur qui traverse la croûte terrestre, peut varier d’une région à l’autre. Une région qui a connu du magmatisme récent aura un gradient géothermique plus élevé qu’une région où le magmatisme a cessé depuis longtemps et, par conséquent, les pétroles s’y formeront à de plus faibles profondeurs.

Le pétrole est-il formé maintenant ?

A ce stade-ci, on est encore bien loin d’un champ de pétrole. Il faut satisfaire encore à plusieurs conditions; seules les deux premières conditions ont été remplies: accumuler de la matière organique dans les sédiments protégés de l’oxygénation, et avoir atteint les conditions d’enfouissement spécifiques à sa transformation en pétrole. Tout ce que l’on a, c’est une certaine quantité d’hydrocarbures liquides et gazeux, sous forme de gouttelettes disséminées dans la roche. En volume, ces gouttelettes représentent peu. Rappelons qu’au départ on avait quelque chose comme 10 ou 15% de matière organique et qu’une partie seulement de cette matière a été transformée en pétrole. La roche dans laquelle se forment les gouttelettes d’hydrocarbures est appelée roche-mère. Il faut en arriver à ce que les gouttelettes se concentrent, en se déplaçant par exemple. C’est le processus de la migration. Il faut que les conditions géologiques soient telles que les gouttelettes en viennent à être expulsées de la roche-mère, puis transportées dans une roche perméable pour venir se concentrer dans ce qu’on appelle une roche-réservoir où le pétrole se trouve dans les pores de la roche; une sorte de roche éponge, et ne peut s’échapper à cause d’une couche imperméable (composée d’argile, de schiste et de gypse), la « roche piège » formant une structure-piège.

Il existe plusieurs types de pièges. Les plus grands gisements sont en général logés dans des pièges anticlinaux. On trouve aussi des pièges sur faille ou mixtes anticlinal-faille, des pièges formés par la traversée des couches par un dôme salin, ou encore créés par un récif corallien fossilisé.

Une situation commune et recherchée, c’est le piège au sommet de plis anticlinaux où alternent roches perméables et roches imperméables. Les fluides se déplacent, des points de plus forte pression aux points de plus faible pression, c’est-à-dire de bas en haut. Ces fluides sont un mélange d’eau et de gouttelettes d’huile et de gaz. A cause de la barrière à la migration que forme la couche imperméable, les fluides s’accumulent dans la partie haute du pli. Il se fait une séparation des phases selon leurs densités respectives. Le gaz occupera la partie la plus haute, suivi de l’huile puis de l’eau.

Une autre situation propice à la formation d’un piège est offerte lorsque les fluides circulant dans une couche perméable sont coincés sous des couches imperméables dans un biseau formé par le déplacement des couches à la faveur d’une faille.

Des lentilles de roches ou de sédiments très perméables contenus dans des couches imperméables peuvent aussi servir de pièges. Par exemple, c’est la situation sur le delta du Mississippi où les sédiments imperméables boueux, riches en matières organiques à l’origine, servent de roche mère et les lentilles de sable, de réservoirs. Les discordances angulaires, lorsque recouvertes par des couches imperméables, offrent aussi une situation intéressante.

Il y a aussi des pièges qui sont associés aux dômes de sel (pièges mixtes D). Lorsque les diapirs de sel se sont mis en place, ils ont retroussé les couches et créé des biseaux qui sont scellés par les couches imperméables et par le sel lui même qui est imperméable.